La CP-AES : un outil de mobilisation populaire pour l’unité et la souveraineté des peuples sahéliens
Dans une interview percutante, Nestor Poodasssé, responsable de la communication au Burkina Faso, revient sur les enjeux et les ambitions de la Confédération des Peuples de l’Alliance des États du Sahel (CP-AES). Fondée en septembre 2024 par le Burkina Faso, le Mali et le Niger, la CP-AES vise à transcender les frontières, fédérer les citoyens, et renforcer l’autonomie des États sahéliens face aux pressions extérieures. Poodasssé souligne l’importance de la mobilisation citoyenne, rappelant que le CP-AES n’est pas une simple structure administrative mais une union de peuples déterminés à faire entendre leur voix. Il appelle les populations à s’organiser pour soutenir les gouvernements, rappelant la vision panafricaine de figures comme Thomas Sankara. Cette initiative, selon lui, pourrait être un véritable tournant pour la région, en promouvant une coopération militaire, diplomatique et populaire au service des peuples sahéliens.
Nestor Poodasssé, vous revenez tout juste d’un séjour en Russie. Avant votre voyage en Russie, vous étiez à Bamako, où vous avez célébré le premier anniversaire de l’alliance. Que retenez-vous de ce voyage du côté de la « ville aux Trois caïmans » ?
Le 16 septembre 2024, une cérémonie a marqué l’officialisation de la CP-AES, ou Confédération des Peuples de l’Alliance des États du Sahel. En tant que responsable de la communication au Burkina Faso, je tiens à souligner l’importance de cette initiative. L’AES, si elle n’avait pas été créée, aurait dû l’être, car l’échec de la CEDEAO est une réalité à laquelle nous devons faire face. Pourquoi cet échec ? Parce qu’il n’existe pas de CEDEAO des Peuples. Nous avons une CEDEAO des chefs d’État, mais la voix du peuple y est souvent absente.
L’AES a été fondée par des chefs d’État, mais pour que la Confédération des Peuples ait un impact significatif, il est impératif que les citoyens se regroupent et transcendent les frontières. Si nous restons divisés, nous finirons par avoir une AES qui ne représente que des bureaux et des dirigeants. Les chefs d’État affirment vouloir que le peuple soit leur boussole, comme l’a si bien exprimé son excellent capitaine, Ibrahim Traoré. Cependant, si le peuple ne s’organise pas, s’il ne s’unit pas pour devenir cette boussole, la qualité de notre gouvernance en souffrira inévitablement. En effet, on dit que chaque peuple reflète l’image de ses dirigeants.
C’est pourquoi, en tant que citoyens, nous devons prendre notre place dans cette dynamique. Les mouvements panafricains et les associations patriotes du Niger, du Burkina et du Mali sont unis pour l’ancien PC, afin de soutenir nos trois dirigeants dans la réalisation de la vision populaire. En tant que citoyen de l’AES, je souhaite faire entendre ma voix. Si j’ai un message à transmettre à nos dirigeants, je peux m’adresser à la CP, qui servira de canal pour acheminer mes propositions et préoccupations à ceux qui en ont le pouvoir. Il est crucial de créer un espace où nous pouvons être une force de protection pour nos dirigeants, leur apporter des idées éclairées et même servir de rempart dans les choix qu’ils font. La direction qu’ils prennent doit être orientée vers l’intérêt du peuple, car si les peuples burkinabè, malien et nigérien parlaient d’une seule voix, l’impérialisme ne pourrait plus exercer son emprise sur nous. C’est pourquoi l’organisation du peuple est essentielle. Comme l’a dit Thomas Sankara : « Quand le peuple se met débout, l’impérialisme tremble. » Une jeunesse mobilisée et un peuple uni sont plus puissants qu’une bombe atomique. Voilà ce que je voulais partager sur la CP-AES.
Quel bilan tirez-vous de la mise en place de l’alliance entre ces trois pays ? Etes-vous aujourd’hui satisfait de la coopération militaire qui s’est établie entre ces nations ?
Lorsque cette unité sera opérationnelle, elle marquera un tournant décisif. La collaboration entre nos armées progresse. Sur le plan diplomatique et au sein des autorités, nous observons également de notables avancés. Comme l’a dit Thomas Sankara, « la vraie révolution, c’est qu’on ne peut pas avancer d’un pas sans le peuple ». Il est donc essentiel que nous agissions ensemble, en unissant les efforts du peuple et des dirigeants. C’est l’objectif de la création du CP-AES. Cette initiative n’est pas exclusive ; elle est ouverte à tous. Tous les Burkinabè, Nigériens et Maliens sont invités à adhérer, sans exception.
Que doit-on attendre, justement, de la CP-AES?
Les gens doivent savoir que le CP-AES, ce n’est pas simplement une distribution de bonbons. Comme le dit un adage : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Le CP-AES représente l’Union des Confédérations des Peuples. Que vous soyez Malien, Burkinabè ou Nigérien, vous en faites partie. Ensemble, la question à se poser est : que pouvons-nous faire pour libérer notre territoire, qui est déjà sur la bonne voie grâce à la vision de nos trois présidents ? Chaque Burkinabè, Nigérien, Malien, et tout « AESien » doit se demander : comment pouvons-nous soutenir cette initiative, accompagner nos dirigeants et contribuer à la libération de nos pays ? C’est notre priorité. Ensuite, réfléchissons à ce que nous pouvons accomplir collectivement pour développer notre sous-région, notre espace AES. Il est crucial de travailler à l’intégration de nos peuples et de briser les barrières ethnicistes, régionalistes et tribalistes, ainsi que les frontières artificielles imposées par des puissances extérieures. L’objectif de l’AES est d’atteindre l’unité africaine, une vision que j’ai toujours défendue. C’est cette dynamique que nous poursuivons. L’ambition est de passer de la Confédération à la Fédération.
Est-ce que ce n’est pas une organisation de trop, la CP-AES ?
La CP-AES n’est pas une organisation de trop. Comme j’aime souvent à le dire : désunis, nous sommes faibles ; unis, nous sommes forts. La CP-AES, c’est le peuple. Que vous fassiez partie d’une association ou d’un groupe, tout le monde est inclus. Ce n’est donc pas une organisation superflue. Par exemple, lorsqu’on considère des mouvements comme la Planète des Jeunes Panafricanistes (PJP), celui-ci est spécifiquement dédié à la jeunesse. De même, il existe des mouvements pour les femmes, pour les personnes handicapées ou malvoyantes, chacune ayant un objectif particulier. Cependant, le CP-AES réunit tout ce monde. Que vous soyez militaire, civil, jeune, femme, handicapé ou vulnérable, la CP-AES vous intègre. Elle a pour vocation de rassembler toutes les catégories de personnes, afin de renforcer l’unité véritable.
Il n’y a pas de CP-AES pour les femmes, pour les jeunes, ou pour un autre groupe spécifique. La CP-AES concerne le peuple, au sens large. Quand on parle du peuple, on englobe tout le monde : les personnes âgées, les jeunes, les femmes, les enfants, sans exception. C’est donc loin d’être une solution de trop. A mon sens, si la CP-AES n’avait pas été créée, il aurait fallu la concevoir. Elle est née pour rassembler et nous rendre plus forts en tant qu’unité. Car, plus nous sommes dispersés à travers divers mouvements et sous-groupes, plus nous sommes affaiblis. Mais plus nous formons un bloc uni, plus nous sommes puissants.
Qu’en est-il alors de la collaboration avec ces sous-groupes ? Est-ce que l’idéal de la CP-AES est bien accepté ?
Oui, cet idéal est largement partagé. Au Burkina Faso, nous avons rassemblé une foule importante. Le Niger est également mobilisé en grand nombre. Et vous avez vu l’affluence massive à Bamako lors du lancement officiel du CP-AES. Ce n’était pas un simple événement, c’était un mouvement puissant. Une fois de retour, nous avons posé des actions concrètes. Par exemple, la CP-AES a dépêché des avocats à Lomé pour exiger l’extradition de l’ex-président Damiba. Nous œuvrons donc réellement pour défendre les intérêts du peuple. Là où l’intérêt du peuple n’est pas protégé, nous n’intervenons pas. Notre mission est de défendre le peuple, de protéger nos chefs d’Etat et les populations. Dans le cas de Damiba, nous savons que les actions qu’il a entreprises, s’il a causé des délits, risquent de déstabiliser l’AES. Et qui en paie les conséquences ? C’est le peuple. C’est pourquoi le peuple doit se mobiliser pour exiger son extradition, et c’est ce que nous avons fait. Nous sommes les porte-paroles du peuple et les défenseurs de ses intérêts. La CP-AES est là pour protéger le peuple de l’AES.
Comment se passent vos collaborations avec les autorités ?
Nos collaborations avec les autorités se déroulent sans aucun problème. Il en est de même avec les autres structures. Ce que nous faisons, nous nous contrôlons de ne rien entreprendre qui puisse nuire à nos autorités actuelles, car elles sont engagées dans une bonne dynamique. Notre rôle est de les soutenir et de protéger le peuple. Ceux qui tentent de déstabiliser ces autorités visent en réalité à porter atteinte à l’intérêt du peuple, et nous nous dresserons fermement contre eux. C’est clair. Comme l’a dit le Capitaine Ibrahim Traoré, « Je ferai du peuple ma boussole ». Nous avons des propositions à faire, mais il ne s’agit pas de critiquer exclusivement sur les réseaux sociaux. Il existe des canaux appropriés pour transmettre nos idées. Le Président a affirmé que le cabinet de la présidence est ouvert à toute proposition. Si vous avez des idées ou des suggestions, il suffit de les soumettre par écrit. Le CP-AES, par exemple, permet au peuple de l’AES de rédiger des propositions et de nous les envoyer. En tant que chargé de communication, je m’occupe de les transmettre à la coordination, qui à son tour les fera suivre au cabinet du Président. Ainsi, nous veillons à ce que les volontés du peuple soient prises en compte. Il n’est plus nécessaire de se quereller ou de se battre sur les réseaux sociaux. Nous sommes ici pour travailler et contribuer au bien-être commun.
Par Vox Sahel