Polyphonies pour la paix : « On a voulu faire la musique pour réconforter ces familles éplorées et galvaniser les FDS et les VDP», Capitaine Aimée Césaire Ouédraogo
Prévu pour le 2 novembre 2024, le concert au Monument des Martyrs rassemblera des artistes burkinabè et de la sous-région, avec pour ambition de renforcer l’unité nationale et de soutenir ceux touchés par l’insécurité. Placée sous le thème « Résilience et espoir », cette initiative artistique, soutenue par les ministères de la Défense et de la Culture, vise à insuffler un message d’unité et d’espoir aux Burkinabè, particulièrement à personnes touchées par le terrorisme, tout en rendant hommage aux forces combattantes patriotiques. A l’approche de la deuxième édition des Polyphonies pour la Paix du Grand Chœur Polyphonique de Ouagadougou, le Capitaine Aimée Césaire Ouédraogo, membre du chœur et Commandant de l’escadron musique de la Gendarmerie Nationale, revient sur cette initiative artistique placée sous le signe de la paix.
Quelle est l’origine de l’événement « Polyphonies pour la paix », et pourquoi l’avez-vous créé ?
Capitaine Aimée Césaire Ouédraogo : Officiellement on voulait faire un événement rassembleur, un événement humanitaire mais dans le sens de la musique. Une musique pour les personnes victimes de tragédie, notamment les enfants ; les enfants victimes de terrorisme et partant les familles de ces enfants. Dans ces familles il y a les forces de défense et de sécurité, les volontaires de la défense de la patrie. De ramification en ramification, le projet prend une envergure. Parmi les FDS on a tout au moins un membre de famille, qui a été victime du terrorisme. Du coup, ça devient un événement pour toute la population. A l’origine, pour les enfants victimes de tragédie, on tient compte de leurs familles et ensuite on tient compte des FDS qui sont justement membres de ces familles, et partant de toute la nation burkinabè. Pourquoi on a créé cet événement ? C’est pour rassembler toutes ces personnes, et donner une nouvelle couleur artistique à la musique. Il y a plusieurs types de musique engagée. Il y a la musique du peuple, il y a de la musique pour l’environnement, il y a de la musique pour la démocratie. Mais, nous on a voulu faire la musique pour réconforter ces familles éplorées, réconforter tout le Burkina Faso, et en même temps redonner espoir et galvaniser les FDS et les VDP.
Quelles sont les principales attentes de cette deuxième édition ?
Les principales attentes de cette deuxième édition c’est que le spectacle puisse toucher beaucoup plus qu’il n’a touché l’année dernière .L’année passée, c’était la toute première, on a tâtonné. Il y avait des zones d’ombre. Cette année on voudrait que le spectacle puisse se voir partout dans le Burkina Faso, dans chaque famille, dans chaque endroit où il y a un burkinabè, qu’il puisse voir le spectacle et sentir la fierté d’être burkinabè, sentir qu’il y a des musiciens qui font de la musique savante pour eux, pour les réconforter. Le thème de cette édition est « Résilience et espoir : la force de l’esprit, l’espoir de demain ».
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi ce thème et ce qu’il signifie pour vous ?
La résilience, c’est le fait de tenir face à l’adversité, même quand on sait qu’on n’est peut-être pas aussi fort que son adversaire pendant un temps mais, on tient parce qu’on sait que, tôt ou tard on finira par le vaincre, d’où justement la question de l’espoir qui va avec la résilience. La force de l’esprit c’est pour montrer que pour être résiliant et avoir de l’espoir il faut une force d’esprit assez au top, une force d’esprit mature qui puisse porter cet espoir de demain. Il faut que les gens soient stables dans leurs esprits pour pouvoir porter, malgré toute l’adversité qui se passe : les morts, les crises. Quand tu es stable dans ton esprit tu peux, espérer un lendemain meilleur. Mais s’il n’y a pas cette force de l’esprit, le lendemain on ne peut rien espérer. On a envie de mourir sur place. C’est ce qui envoie les suicides, les abandons.
Quelles sont les principales performances artistiques que le public peut attendre cette année ?
Cette année il y aura comme d’habitude de la musique classique, la marque déposée des polyphonies. Il y aura de la comédie musicale, un tableau de contes et un tableau de musique populaire. Mais en plus on aura encore un tableau d’acrobatie et de danses classique et contemporaine.
Pourquoi avoir choisi une combinaison de musiques classiques, traditionnelles, contemporaines et de fusion ?
Les polyphonies; qui dit poly, dit plusieurs et unanimité à la fois. C’est des styles que beaucoup de personnes ont voulu opposer dans le temps et même jusqu’à aujourd’hui. Certains se réclament de la musique classique, d’autres de la musique traditionnelle, d’autres aussi la musique moderne. Les polyphonies viennent pour montrer que toutes ces musiques vont ensemble .Il n’y a pas de musique à part .Il n’y a que de la musique. Maintenant dans cette musique, chacun prend l’option qu’il veut. Nous comptons faire une poly musicalité, une poly combinaison de toutes ces musiques pour justement réaliser les Polyphonies Pour la Paix .Cela montre a quel point la musique peut rassembler ce que l’on pense disperser, ce que l’on pense non rassemblable.
Comment ces styles s’harmonisent-ils autour du thème de la paix ?
Déjà qu’il y a une combinaison de styles. On essaie de rassembler tous ces artistes de différents bords, de différents chemins pour qu’ils puissent déjà se mettre ensemble. Quand ces artistes sont rassemblés, on aura des followers, des fans qui vont plus se rassembler autour d’un artiste pour la paix. Si par exemple on voit Smarty, on voit Nael qui chantent sur la même scène, ceux qui pensent qu’il y a par exemple des détractions entre eux, ça les réunie et ils disent mais non ! Les gars sont ensembles! Donc rassembler tous ces styles c’est rassembler des musiciens et c’est rassembler leurs fans. En rassemblant les fans, on rassemble toute la population.
Pourriez-vous nous en dire plus sur les performances non musicales, telles que les comédies musicales, chorégraphies et acrobaties ?
Pour les performances dites non musicales, en fait ce sont des performances musicales. Il est difficile de scinder la danse, la chorégraphie de la musique parce qu’elles suivent une harmonie, des cadences, elles suivent une interprétation musicale toujours. La comédie musicale est une forme dégénérée de l’opéra où on retrace une histoire en musique et au lieu que ce soient les acteurs qui chantent comme dans l’opéra,, là on a un chœur qui chante et les acteurs qui font du théâtre et les chants viennent exprimer des événements marquant du théâtre qui se passe .Les acrobaties font parties de cet ensemble, de la scène théâtrale ainsi que la chorégraphie. Du coup la musique vient unir tout ça encore dans l’esprit de polyphonie d’unité, d’union, malgré la diversité de styles.
En quoi cet événement est-il un outil pour redonner l’espoir aux Burkinabè et aux victimes du terrorisme ?
Cet événement est un outil qui redonne espoir aux burkinabè, aux victimes du terrorisme pour plusieurs raisons. D’abord la musique on en fait à tout moment, en moment de joie, de tristesse, en moment de deuil, en moment de combat. Il y en a toujours. Les soldats ils chantent tout le temps avant une quelconque activité D’où justement la question de l’escadron musical qu’on trouve dans les forces combattantes. Ensuite au niveau des Burkinabè, ils écoutent la musique tout le temps. Voila pourquoi dans les registres musicaux vous avez de la musique triste, mélancolique, vous avez également de la musique de joie, de la musique épique, de la musique orchestrale pour susciter, pour galvaniser quelque chose chez les auditeurs. La musique que nous voulons faire aux polyphonies touche différents styles pour justement toucher chacun dans la situation où il se trouve. On aura des chansons lyriques, des chansons tristes. On aura aussi des chansons de joie, des chansons de gloire qui traduisent la victoire, la magnifissance du peuple burkinabè. On aura également des chansons de guerre, de combat qui peuvent motiver la troupe et motiver tout le peuple à résister.
Comment l’événement contribue-t-il à soutenir les forces combattantes patriotiques ?
L’événement tout entier contribue à soutenir les forces combattantes pour que ces forces se rendent compte qu’il y a tout un peuple derrière elles. C’est bien de le savoir de façon théorique mais c’est encore mieux de le voir, de voir que toute la population en se mobilisant autour des artistes, autour d’un spectacle, témoigne aux forces combattantes qu’elle est avec elles, qu’on sait toute la bravoure de ces forces combattantes. C’est un moyen de communication aussi nationale et internationale qui pourra permettre aux combattants burkinabè et partant à tous les autres combattants de la résistance de résister aux affres du terrorisme et aux affres de la guerre.
Cette année, l’édition accueille des artistes internationaux comme Bonkana Maïga et Kitary. Quel est l’impact de l’ouverture de l’Alliance des États du Sahel (AES) sur l’événement ?
L’ouverture à l’Alliance des Etas du Sahel a un impact très positif. Le Burkina Faso n’est pas le seul pays qui souffre du terrorisme et de toute la tragédie que nous connaissons actuellement. On dit que quand la case de ton voisin brule, il faut commencer à humidifier la tienne pour éviter que le feu ne prenne ta case et en même temps, aider le voisin à éteindre la flamme qui est chez lui pour que le feu ne se répande pas. C’est dans cet élan que les polyphonies s’ouvrent aux autres pays qui traversent la même difficulté et qui sont très proches du Burkina Faso. Donc faire venir des gens du Mali et du Niger, c’est montrer que les polyphonies, au-delà d’être un spectacle réunificateur national, c’est un spectacle réunificateur international. Que tout le monde se sente concerné. Que les Maliens, que les nigériens comprennent que le combat que nous menons est aussi le leur et que nous aussi, nous puissions comprendre que le combat qu’ils mènent est aussi le nôtre.
Comment les artistes burkinabè, tels que Alif Naaba, Nathanaël Minoungou et Smarty, sont-ils impliqués dans cette édition ?
Les artistes burkinabè tels que Alif Naaba, Nathanael Minoungou et Smarty sont tous impliqués de façon particulière ainsi que les autres artistes sur un ou plusieurs tableaux du spectacles. L’objectif est de pouvoir fédérer autour de ces artistes toutes les personnes désireuses de paix, désireuses d’engouements. Chaque artiste va interpréter un titre ou des titres qui ont pour objectif de galvaniser le peuple, les forces combattantes.
Smarty a souligné le professionnalisme du Grand Chœur polyphonique. Comment travailler avec ces artistes pour garantir un spectacle de haute qualité ?
Le professionnalisme du Grand Chœur est indéniable à l’heure où nous sommes. Travailler avec ces artistes est à la fois à double niveau : en même temps que le Grand Chœur, riche de son expérience a aussi besoin de l’expérience de ces têtes d’affiche, ces têtes d’affiche aussi ont à gagner avec la jeunesse du Grand Chœur parce que le Grand Chœur Polyphonique est jeune plein de vies et ces artistes ont déjà une carrière très avancée. Du coup, travailler ensemble permet de fusionner, de faire une polyphonie des générations entre des artistes déjà d’un certain niveau et des jeunes artistes. A l’intérieur après Smarty, après Alif, on a aussi des jeunes comme Kouni, comme Sagaden qui seront là. Tout ça rassemblé autour du Grand Chœur Polyphonique qui compte en son sein plusieurs artistes instrumentistes, chanteurs, pianistes, guitaristes, batteurs. C’est ce mellting pot qui va faire quelque chose de grand. Travailler avec toutes ces personnes demande un professionnalisme immense pour pouvoir contenir tout dans l’esprit des Polyphonies pour la paix. C’est ce challenge qui va marquer les polyphonies, qui va marquer plus de 200 acteurs ensembles musiciens, chorégraphes, chanteurs .Ensemble pour montrer que l’union est possible et dans une forme de professionnalisme accrue.
Quelles sont les principales innovations de cette édition par rapport à la première ?
Pour les principales innovations de cette édition, c’est la nouvelle scène technologique, l’ouverture à l’AES, le fait que les artistes invités sont beaucoup plus diversifiés et aussi en terme de collégialité de partenariat, cet événement est ouvert et veux accueillir le plus de partenaires et de participants possibles.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans l’organisation de cet événement, notamment dans le contexte de l’insécurité ?
La véritable difficulté est d’ordre financière .Pour mobiliser près de 200 artistes ,200 acteurs culturels il faut quand même leur donner à boire, à manger lors des répétitions d’autant plus que les polyphonies sont un événement qui se prépare dès Janvier 2025. Du coup, cela pose un problème technique, un problème où c’est difficile d’atteindre certains objectifs.
Comment le public peut-il contribuer au succès de cette initiative de paix ?
Pour que le public puisse contribuer au succès de cette initiative de paix, c’est de faire rayonner les polyphonies partout : sur tous les réseaux, dans tous les quartiers, toutes les maisons, les familles afin que chaque burkinabè puisse se sentir galvanisé, rehaussé ; faire voyager les polyphonies le plus loin possible. Déjà, si la population est présente le jour des polyphonies pour la paix, ce sera très bien.
Comment l’événement est-il financé et quelles sont les stratégies pour pérenniser cette initiative ?
L’événement est financé très difficilement. C’est rare d’avoir un projet culturel de cette envergure. Donc cela mobilise beaucoup de fond et il est difficile de convaincre à un certain niveau quand un événement coûte aussi cher, parce que la culture est reléguée au second plan. Ce qui ne favorise pas des partenariats financiers. Aussi, les partenariats financiers sont très difficiles. On a beaucoup plus de partenaires techniques qui souhaitent nous accompagner de façon technique en nous donnant une salle de travail, de l’eau. Les stratégies de pérenniser cette initiative c’est de pouvoir convaincre les éventuels partenaires que c’est une activité viable, une activité où tous les burkinabè peuvent se retrouver et qui valorise toute la culture burkinabè en termes de musique savante, de musique traditionnelle, classique, de chorégraphie classique, de chorégraphie moderne. On a rarement vu des événements qui fédèrent autant d’acteurs culturels en même temps. C’est dire que cette polyphonie pour la paix sera pérenne .C’est à nous de voir comment sensibiliser les éventuels partenaires pour qu’ils puissent nous accompagner financièrement.
Quelles sont vos ambitions pour les prochaines éditions de Polyphonies pour la paix ?
Les ambitions pour les prochaines éditions c’est de faire encore mieux, encore plus grand .De telle sorte que ceux qui n’ont pas pu être touchés cette année puissent l’être dans les éditions à venir.