Thomas Bamouni, SGN de la FESCIBF à propos de la situation sécuritaire :« Les étudiants sont déjà engagés dans la lutte contre le terrorisme »
Des 30 juillet au 2 août 2024, s’est tenu à Ouagadougou, à l’Université Joseph Ki-Zerbo, le congrès ordinaire de la Fédération Estudiantine et Scolaire pour l’Intégrité au Burkina Faso (FESCIBF). Cette rencontre a abouti à la réélection de Yidjene Thomas Bamouni comme Secrétaire Général National de la Fédération. Élu pour un second mandat de deux ans, Bamouni est étudiant en Master de Ressources Naturelles, Société et Risques (RNSR) à l’Université Joseph Ki-Zerbo. Compte tenu de la situation sécuritaire et des implications que cela pourrait avoir sur le monde scolaire et estudiantin, nous nous sommes entretenus avec lui. Des sujets concernant ses nouvelles responsabilités ainsi que la question des APE étaient également au cœur des échanges.
Quelles sont les principales priorités de votre nouveau mandat en tant que président de la fédération des étudiants ?
Pour ce mandat, notre priorité sera de placer l’éducation burkinabè au cœur des préoccupations de nos dirigeants, tout en tenant compte du contexte sécuritaire actuel. Cela implique une réforme éducative endogène, une réorganisation et un renforcement du cadre de formation, ainsi qu’une amélioration des environnements d’apprentissage et de vie. Nous œuvrerons également à faciliter l’accès aux structures éducatives pour tous. Notre objectif est de former des élèves et des étudiants en citoyens intègres et dévoués, prêts à contribuer positivement à la société.
Quels changements espérez-vous apporter durant ce mandat par rapport au précédent ?
Les changements que nous espérons au sein de la Fédération se concentreront sur une meilleure réorganisation et un maillage efficace pour rapprocher nos actions des étudiants. Cela nous permettra d’intervenir de manière plus proactive et pertinente face aux divers enjeux, qu’ils soient majeurs ou mineurs. Nous souhaitons également renforcer nos canaux de communication afin que la voix des étudiants et des élèves soit entendue, notamment au sein des grandes instances décisionnelles.
Pouvez-vous nous parler des initiatives spécifiques que vous prévoyez de mettre en place pour améliorer la vie des étudiants ?
Dans le cadre de la défense de nos camarades, nous utiliserons toutes initiatives pour nous faire entendre, telles que les audiences, les rencontres, les conférences, et les settings.
Comment comptez-vous collaborer avec les autorités universitaires pour réaliser vos objectifs ?
Pour nos autorités, nous resterons dans le cadre du dialogue car nous ne sommes pas fermés aux échanges. Nous espérons avoir toujours une oreille attentive, car c’est souvent le manque d’écoute qui mène à des actions sur le terrain. Nous demandons à ce que nos autorités soient accessibles.
Quels sont les défis majeurs que vous anticipez et comment prévoyez-vous de les surmonter ?
Les défis majeurs incluent les menaces dans les universités situées en zones de troubles, celles qui sont fermées en raison de la situation sécuritaire, et les questions des retards et des chevauchements académiques dans les universités publiques.
Pouvez-vous nous rappeler les principaux points de votre plateforme revendicative présentée le 8 novembre dernier ?
Les principaux points de la plateforme revendicative incluent la suspension du nouveau régime d’étude en licence et en Master, l’annulation sans condition du zéro collectif pour la promotion 2022-2023 en Master 1, la mise en place de solutions concrètes pour éliminer les retards académiques dans les universités publiques, la suppression des frais annexes de 1500 francs pour chaque réinscription sur la plateforme Campus Faso, la réduction du tarif du bus Ouaga-UTS pour les étudiants et la création d’un abri bus à l’UTS, la construction de cinq bâtiments à Kossodo pour résoudre le problème des dortoirs insuffisants, et enfin, l’installation d’un Wi-Fi haut débit dans les universités publiques.
Quels sont les objectifs spécifiques que vous espérez atteindre avec ces revendications ?
Nos objectifs spécifiques sont l’amélioration des conditions d’études et de formation, et la facilitation de la mobilité et de l’accès aux logements.
Comment évaluez-vous la réponse du gouvernement jusqu’à présent ?
Dans l’ensemble, nous estimons que les réponses sont faibles et insuffisantes, si l’on prend en compte la majorité des problèmes que nous vivons dans nos universités.
Quels sont les défis majeurs rencontrés lors des négociations avec les autorités ?
Les défis majeurs lors de nos négociations sont le point 1 (suspension du nouveau régime), le point 3 (mise en place de solutions pour les retards académiques), et le point 4 (suppression des frais annexes).
Y a-t-il des points de votre plateforme revendicative qui ont déjà été acceptés ou en cours d’exécution ?
Les points 2 (annulation du zéro collectif), une partie du point 5 (création d’abris bus), et le point 7 (installation de Wi-Fi de haut débit) ont été acceptés et réglés par les autorités. Les points 3, 4, et 6 sont en cours de négociation.
La question de la résorption des retards est un enjeu clé pour votre organisation. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’ampleur de ce problème ?
L’ampleur du problème des retards académiques est énorme, avec des promotions qui durent 5 à 6 ans au lieu de 3. Il y a des promotions multiples dans la même licence, ce qui a un impact négatif sur le FONER, l’hébergement, et la restauration.
Quelles solutions proposez-vous pour résorber ces retards ?
Nous proposons une implication politique, la mise en place de moyens conséquents pour construire des infrastructures et une bonne gestion de celles existantes, la correction et la remise des copies dans un délai de 2 semaines, la mise en place de jurys de correction et de délibération le plus tôt possible après les compositions, la prise en compte des réclamations, et l’application du code d’éthique et de déontologie au niveau des enseignants.
Avez-vous obtenu des engagements concrets de la part des autorités pour résoudre cette question ?
Nous constatons l’engagement du ministère et des présidences, mais le concret laisse à désirer.
Quels impacts ces retards ont-ils sur les membres de votre organisation et sur la société en général ?
L’impact est considérable et se répercute sur le rendement universitaire, familial, et sociétal. Il y a une désillusion du campus et une fuite des étudiants vers les universités privées.
En cas d’inaction de la part du gouvernement, quelles actions envisagez-vous pour faire avancer cette question ?
En cas d’inaction, les actions prévues dépendront de l’Assemblée Générale (AG) qui sera organisée après les réponses ou l’inaction.
La question de la mobilité est souvent citée comme un problème majeur. Quels sont les principaux obstacles à une mobilité efficace selon vous ?
Pour nous, c’est d’abord le manque de vision sur ce volet. Avec le nombre accru d’étudiants, il faut forcément une restructuration des structures en charge de ce volet, la mise en place d’une politique adéquate, des moyens financiers, et l’acquisition de plus de bus.
Quelles mesures spécifiques préconisez-vous pour améliorer la mobilité des étudiants burkinabè ?
Parmi les mesures spécifiques envisagées, on trouve notamment la dotation de la SOTRACO avec des bus de grande capacité et l’assurance d’une maintenance régulière des véhicules acquis. Il est également prévu d’injecter des ressources financières dans le secteur du transport, ainsi que d’améliorer les horaires, les tarifs des courses, et les itinéraires.
Comment la question de la mobilité est-elle liée aux autres revendications que vous portez ?
Elle occupe une place prépondérante car c’est l’une des bases pour l’accessibilité journalière aux universités.
Quelles collaborations envisagez-vous avec d’autres acteurs (publics ou privés) pour évoquer cette question ?
Nous nous préparons à travers des audiences, des échanges avec des partenaires privés telles que les grandes compagnies de transport et des structures privées, pour faire des propositions qui pourront améliorer cette mobilité.
Pouvez-vous expliquer ce que sont les APE et leur importance pour les scolaires ?
APE signifie Association des Parents d’Elèves. C’est une forme de cotisation qui varie en fonction de l’établissement (public ou privé) dont l’objectif est de pallier aux manques de ressources financières des établissements. Cet argent vient combler les besoins des écoles. Les APE sont gérées par les parents dont les enfants sont inscrits dans cette école. En vue de leur format, elles ont leur importance pour la bonne marche des écoles.
Quelles sont vos revendications spécifiques concernant les APE pour les scolaires ?
Nos revendications concernant les APE concernent en premier lieu leur gestion et organisation à l’échelle locale. Il faut dissocier l’élève et le parent et en aucun cas chasser un élève pour cette raison de cotisation, qui pour nous est volontaire.
Comment les APE peuvent-elles améliorer les conditions d’apprentissage et la réussite scolaire des élèves ?
Les APE, si elles sont bien gérées comme dans certaines écoles, permettent d’améliorer les conditions d’études et d’apprentissage des élèves. Grâce à elles, on peut construire et réhabiliter des bâtiments et toilettes existants, payer des tables-bancs, et soutenir dans le volet santé et social.
Avez-vous eu des discussions avec les autorités éducatives sur ce sujet ? Si oui, quelles ont été leurs réactions ?
Nous n’avons pas eu d’échanges avec nos autorités jusqu’à présent. Nous avons interpellé par des déclarations et des conférences de presse.
Quels sont les défis principaux pour la mise en place effective des APE pour les scolaires ?
Les principaux défis pour la mise en place de ces mesures incluent, entre autres, la sécurisation des écoles, le bon fonctionnement de ces établissements, et la gestion transparente et efficace des fonds, afin de garantir que les contributions des parents sont réellement investies dans le cadre scolaire. D’autres défis comprennent le refus de certains parents de s’acquitter de cette cotisation, ainsi que les pressions exercées sur les élèves dans certains établissements lorsque les parents n’ont pas payé l’APE.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux membres de la FESCI-BF et au grand public concernant ces différents sujets ?
Nous appelons l’ensemble de nos camarades à se mobiliser et les rassurons que le combat sera mené à tous les niveaux pour la satisfaction des revendications. Nous demandons également à l’opinion nationale de nous soutenir afin que nos dirigeants trouvent des solutions concrètes à ces problématiques.
Quelle est votre évaluation actuelle de la situation sécuritaire dans le pays ?
Bien que des efforts considérables soient déployés par les autorités, les attaques persistent. Certaines zones ont retrouvé une certaine stabilité, mais d’autres, notamment le Sahel et l’Est, restent sous tension. Nous espérons sincèrement que nos courageux FDS et VDP pourront reconquérir l’ensemble du territoire et rétablir la stabilité dans toutes les régions
Comment cette situation impacte-t-elle vos activités en tant qu’organisation ?
La situation sécuritaire impacte profondément nos activités, limitant notre capacité à agir dans certaines régions et affectant directement les conditions de vie et d’études de nombreux étudiants. Les étudiants sont souvent confrontés à des difficultés familiales, telles que les séparations et la perte de proches, ce qui a un impact significatif sur leur bien-être. Sur le plan académique, la qualité de la formation est parfois compromise en raison de classes surchargées. De plus, l’accès limité à la restauration dans les cités universitaires et le coût élevé des logements locatifs aggravent leur situation.
Quelles mesures spécifiques la fédération des étudiants propose-t-elle pour améliorer la sécurité sur les campus ?
Nous offrons des sessions de sensibilisation et de formation destinées aux étudiants pour les préparer à faire face aux attaques et aux menaces terroristes. L’objectif est d’intégrer les étudiants dans une démarche proactive, en collaboration avec les services de renseignements, pour renforcer leur sécurité et celle de leur communauté.
Comment la fédération envisage-t-elle de soutenir les étudiants qui sont affectés par l’insécurité ?
Nous soutenons les étudiants de différentes manières. D’une part, par un accompagnement direct qui inclut l’écoute, la sensibilisation, et la réintégration dans leur cadre de vie. Nous les aidons également dans leurs études en leur offrant un soutien académique. D’autre part, nous collaborons avec des structures et des partenaires privés qui partagent notre volonté de venir en aide à ces étudiants.
Quelles actions les étudiants peuvent-ils entreprendre pour contribuer à l’amélioration de la sécurité dans le pays ?
Les étudiants doivent et sont déjà engagés dans la lutte contre le terrorisme. Nombre d’entre eux ont choisi de devenir des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), d’autres ont été incorporés dans les forces militaires, et certains contribuent également au renseignement, faisant ainsi preuve de leur détermination et de leur valeur dans cette lutte cruciale.
Y a-t-il des points que vous aimeriez ajouter ou des sujets que nous n’avons pas abordés et qui vous semblent importants ?
Nous souhaitons attirer l’attention sur l’urgence de sécuriser les enclaves universitaires, en particulier les universités actuellement fermées telles que celle de Dori, ainsi que celles menacées par le terrorisme. Il est crucial de mettre en place des mesures pour protéger les étudiants et élèves déplacés internes et assurer leur prise en charge adéquate. En outre, il est nécessaire d’acquérir des terrains pour la construction de Centres universitaires polytechniques et d’organiser une journée de l’excellence en faveur des étudiants des établissements publics.