Histoire-Culture : Théâtre populaire Désiré Bonogo, connaissez-vous ?
En cette matinée ensoleillée du mardi 29 juillet 1986, un vent d’espoir et de fierté soufflait sur l’ex-secteur 7 de Ouagadougou. Le Burkina Faso inaugurait l’un de ses plus emblématiques lieux de culture populaire : le Théâtre Populaire Désiré Bonogo. Trente-neuf ans plus tard, ce haut lieu d’expression artistique et de mobilisation culturelle semble être aujourd’hui laissé à l’abandon, relégué à l’oubli collectif, alors qu’il fut jadis l’un des symboles de l’émancipation culturelle du peuple burkinabè.
Le Théâtre Populaire Désiré Bonogo est le fruit d’un projet ambitieux porté par la révolution d’août 1983 et réalisé grâce à la coopération entre la République Populaire Démocratique de Corée (Corée du Nord) et le Burkina Faso. Construit à ciel ouvert sur une superficie de 4 500 m², le théâtre peut accueillir 1 600 places assises et jusqu’à 3 000 personnes debout. Il s’agit d’un espace multifonctionnel pensé pour accueillir des manifestations artistiques, culturelles et politiques à grande échelle.
Son infrastructure comprend un bâtiment principal avec trois pièces fonctionnelles : une salle de réunion, deux salles d’habillage pour les artistes, deux toilettes, une salle de projection, un écran géant, une estrade-scène, ainsi qu’un bâtiment extérieur avec cinq bureaux administratifs, un guichet et des gradins. Avec une dénivellation de 7,90 mètres, l’architecture du théâtre offrait une acoustique naturelle et une visibilité optimale pour le public.
L’inauguration officielle fut présidée par Blaise Compaoré, alors ministre délégué à la Présidence du Faso, représentant le président Thomas Sankara, en déplacement à Addis-Abeba pour le 22e sommet de l’OUA. Aux côtés du représentant burkinabè, l’ambassadeur de la République Démocratique de Corée et Watamou Lamien, ministre de l’Information et de la Culture, ont pris part à cette cérémonie chargée d’émotion et de symboles.
Dans son discours, Watamou Lamien déclarait que cet espace serait « au service de la libération du talent », affirmant ainsi la volonté de faire du théâtre un outil d’éveil des consciences, d’expression populaire et de valorisation des cultures locales.
Ce théâtre fut baptisé en mémoire de Désiré Bonogo, chef du département socioculturel de la présidence du Faso, décédé le 3 décembre 1985. Figure respectée et engagée, Désiré Bonogo s’était distingué par son dévouement à la promotion de la culture burkinabè.
La salle des artistes, quant à elle, porte le nom des musiciens de l’orchestre national de la police, tragiquement disparus dans un accident de la circulation le 30 juin 1986. Ce double hommage témoignait de la profonde reconnaissance du pays envers ses acteurs culturels.
Les travaux de construction du théâtre ont débuté en mai 1984. Dans l’esprit révolutionnaire de l’époque, la main d’œuvre fut assurée par la participation populaire : fabrication des briques par les habitants, appui du génie militaire, des sapeurs-pompiers, et des promotions du Service National Populaire (SERNAPO).
Ce chantier fut un exemple concret de l’appropriation populaire du développement, une illustration de l’effort collectif au service de la culture nationale.
Pour de nombreux habitants de l’ex-secteur 7, notamment la jeune génération, le nom « Désiré Bonogo » est désormais associé au marché du cycle situé à proximité, sans que l’histoire et la portée culturelle du théâtre ne leur soient connues.
L’histoire du Théâtre Populaire Désiré Bonogo est intimement liée à celle d’un peuple en quête d’émancipation culturelle, sociale et politique. Le préserver, c’est honorer la mémoire de celles et ceux qui ont œuvré à sa naissance, et c’est surtout investir dans les générations futures, afin que la culture reste un pilier vivant de l’identité burkinabè.
Par Vox Sahel
Source : Mohamed Sanfo, l’avant-gardiste de la réhabilitation de ce lieu historique et culturel

