Gratuité des soins au Burkina Faso: Une mise en œuvre jugée « globalement satisfaisante malgré des défis persistants

Malgré un contexte sécuritaire et économique tendu, la politique de gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans continue de produire des résultats encourageants au Burkina Faso. C’est le principal constat dressé par la Commission des Finances et du Budget (COMFIB) de l’Assemblée législative de Transition (ALT) au terme d’une mission d’information effectuée du 4 au 18 avril 2025 dans sept régions du pays. C’était ce 4 juin 2025 à l’ALT.
Lancée en 2016, cette politique reste l’un des piliers de la protection sanitaire dans le pays. Elle demeure en vigueur dans la majorité des centres de santé visités, en dépit des contraintes budgétaires, de l’insécurité et de l’augmentation constante du nombre de bénéficiaires. Dans le rapport présenté ce 4 juin à l’hémicycle, les députés membres de la COMFIB affirment que « la gratuité des soins reste globalement effective dans les formations sanitaires publiques, même si elle est confrontée à des défis importants ».
La mission s’est rendue dans les régions du Centre, Centre-Ouest, Centre-Nord, Boucle du Mouhoun, Hauts-Bassins, Nord et Centre-Sud. Elle y a constaté la prise en charge gratuite des consultations prénatales, des accouchements, des soins postnataux, des césariennes ainsi que des pathologies simples et complexes chez les enfants de moins de cinq ans. « Dans près de 31 structures de santé que nous avons visitées, nous avons constaté l’effectivité de ce programme. C’est-à-dire que le gouvernement continue de travailler pour la prise en charge gratuite des soins pour les enfants de moins de 5 ans et pour les mères, même après les accouchements.
Donc c’est effectif dans l’ensemble des centres, et il y a eu des résultats probants », a déclaré Moussa Nombo, président de la COMFIB.Les responsables des centres de santé visités ont salué à l’unanimité le maintien de cette mesure, qui a permis d’accroître la fréquentation des structures sanitaires et d’améliorer les indicateurs de santé maternelle et infantile. Dans les Centres hospitaliers régionaux (CHR) de Kaya, Ouahigouya et Koudougou, les directeurs généraux ont noté une baisse significative de la mortalité maternelle et infantile, grâce à un meilleur accès aux soins obstétricaux d’urgence.
Au CHU Sourou Sanou de Bobo-Dioulasso, les professionnels de santé ont souligné l’impact positif de la politique, notamment dans les zones rurales, où la barrière financière représentait un frein majeur. La gratuité des soins est ainsi perçue comme un mécanisme d’équité sociale et de justice sanitaire.Le rapport de la COMFIB relève également une évolution dans la gestion du dispositif. Initialement fondé sur la pré-position de fonds dans les centres, le système repose désormais sur un remboursement conditionné par des rapports d’activités via la plateforme numérique « e-gratuité ».
Cette innovation permet une meilleure traçabilité, bien que plusieurs formations sanitaires aient signalé des retards dans les remboursements, les obligeant à avancer les frais, avec un impact potentiel sur la qualité de prise en charge.Malgré les avancées, la mission a mis en évidence plusieurs insuffisances menaçant la durabilité du programme. Elle cite notamment les ruptures fréquentes de médicaments essentiels, liées aux retards d’approvisionnement ou à l’insuffisance des stocks, le manque de personnel, la saturation de certaines structures, ainsi que l’inadéquation des infrastructures.
Les agents de santé ont aussi alerté sur l’usure du matériel médical, l’absence de certaines prestations comme les échographies, ou encore le décalage entre les soins prodigués et les remboursements perçus.Autre constat majeur : la disparité dans l’application de la gratuité selon les régions. « Si la politique reste fonctionnelle dans les capitales régionales et certains centres urbains, les zones à fort défi sécuritaire, comme le Sahel ou une partie du Centre-Nord, connaissent des interruptions de service, du fait de l’insécurité, de la fermeture de centres de santé ou du déplacement massif de populations », note le rapport.
Dans ces zones, les professionnels témoignent de leur difficulté à exercer, faute de sécurité ou de médicaments.Pour pallier ces insuffisances, la COMFIB recommande d’augmenter les ressources financières allouées à la gratuité des soins ; de réduire les délais de remboursement aux centres de santé ; de renforcer les ressources humaines par des affectations stratégiques et des formations ; de sécuriser la chaîne d’approvisionnement en médicaments et d’élargir les partenariats ; de moderniser la plateforme e-gratuité pour améliorer le suivi et la remontée d’informations. Avec ces recommandations, la COMFIB espère consolider les acquis de cette politique et garantir son efficacité à long terme, malgré les défis structurels et conjoncturels.
Par Amir BAKO