Journée mondiale de lutte contre le paludisme : L’IRSS fait le point des avancées du projet Target Malaria

Les investigateurs du projet Target malaria ont présenté à Bobo-Dioulasso, le 25 avril 2025 à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le paludisme, les avancées des recherches dans la lutte contre le paludisme. La rencontre a réuni des journalistes, communicateurs et des communautés hôtes du projet.
« Chaque minute, le paludisme fait une nouvelle victime » dans le monde. Et les 95% de décès dus au paludisme ont lieu en Afrique. Cette alerte est donnée par Hamidou Maiga, Entomologiste médical, au Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique de l’institut de Recherche en Sciences de la santé (CNRST/IRSS). L’Organisation mondiale de la santé (OMS), poursuit-il, a déclaré que la prochaine pandémie pourrait être due au moustique.
« Le nombre de décès que nous avons eu avec la COVID-19 est largement inférieur au nombre de décès dû au paludisme », appuie Dr. Léa Paré/Toé, investigateur sur le projet Target malaria. Pour elle, il est inadmissible qu’aujourd’hui, le paludisme continue de faire autant de dégâts en Afrique, alors que le continent regorge des grands chercheurs. « Le paludisme n’est pas plus fort que les scientifiques de ce pays, encore moins que nos communautés », lance-t-elle, avant d’inviter les chercheurs, les différentes communautés et les populations en général, à « passer de la passivité à la rage de finir avec cette maladie ». « Ce n’est pas seulement l’affaire des chercheurs ou des communautés. Chacun doit agir. », a-t-elle ajouté.
L’Afrique étant la plus touchée par le paludisme, la lutte contre cette maladie devra être menée en grande partie par les Africains. C’est la conviction des chercheurs de l’IRSS. Ainsi, après avoir relevé des limites dans les autres solutions obtenues contre le paludisme, lesquelles solutions développant des résistances chez les moustiques, les chercheurs de l’IRSS ont estimé qu’il était nécessaire, voire primordial, d’adopter des innovations dans la lutte contre cette maladie. Ils pensent d’ailleurs que pour y arriver, « il faut approfondir les compétences scientifiques des africains en techniques moléculaires et génétiques et former une cohorte de jeunes africains qualifiés pour développer cet outil génétique de lutte contre les vecteurs ».
Target malaria, une innovation dans la lutte contre le palu
L’IRSS a décidé d’innover dans la lutte contre le paludisme. « Nous avons décidé d’innover, en impliquant les communautés bénéficiaires. Les moustiques génétiquement modifiés, c’est une recherche innovante. L’implication des communautés et des communicateurs est aussi une innovation. Nous voulons les impliquer de sorte qu’à la fin, chacun se reconnaisse dans les résultats », a soutenu Dr Paré. Target Malaria est donc un « projet innovant » visant à réduire la population de moustiques vecteurs du paludisme en Afrique subsaharienne. Pour les investigateurs dudit projet, c’est en réduisant la population de moustiques vecteurs du paludisme, que l’on arrivera à réduire la transmission de la maladie.
C’est pour mieux expliquer les enjeux du projet, que l’IRSS a donc décidé de convier des journalistes, des communicateurs et plusieurs communautés concernées par le projet, à une rencontre d’information. Cette rencontre a permis aux différents participants de poser toutes les questions sur le projet en vue de mieux le comprendre pour en être des relais au sein de leurs différentes communautés. Les représentants des communautés étant impliqués dans le projet depuis le début, ont réaffirmé leur volonté de voir le projet se poursuivre convenablement en vue d’atteindre les résultats escomptés, à savoir bouter le paludisme hors de nos frontières.
Le moustique du paludisme ne transmet pas la dengue
Ces dernières années, au Burkina Faso, la dengue, une maladie transmise à l’homme par le moustique Aedes, a fait plusieurs victimes au sein des populations. Depuis lors, plusieurs personnes ont fait le lien avec le lâcher de moustiques mâles stériles, en juillet 2019, à Bana, par les investigateurs du projet Target Malaria. « Le lâcher a concerné les moustiques mâles. Alors que le paludisme est transmis par le moustique femelle, l’anophèle. Ce sont deux moustiques différents. Celui de la dengue pique la journée et celui du paludisme, la plupart du temps, pique la nuit. Le moustique vecteur du paludisme ne peut pas développer des gènes de la dengue, et vice-versa. Le moustique de la dengue ne peut pas transmettre le paludisme », a tranché Dr. Léa Paré. A l’en croire, l’Afrique regorge plus de 800 espèces de moustiques. Mais chaque espèce ne s’accouple pas avec une autre différente d’elle. « Moustiques n’est pas moustiques », dira Léa Paré, pour préciser que les différentes espèces sont également différentes dans leurs interventions. Ces moustiques étant différents, l’accouplement se fera également entre ceux de la même espèce. « Si on enferme des chiens, des moutons, des ânes dans un même enclos, aucun animal ne va s’accoupler avec une autre d’espèce différente », a-t-elle caricaturé.
Dr. Hamidou Maïga a ajouté que les chercheurs sont aussi des Burkinabè et ont leurs familles qui vivent ici au Burkina Faso, et qu’ils ne mèneront aucune recherche qui pourrait nuire à la vie des Burkinabè. Il a confié que sa femme, ses enfants et lui-même, ont été touchés par la dengue. « Ma femme allait même y rester », confie-t-il, avant de rappeler que les recherches du projet Target Malaria sont faites en collaboration avec le ministère de la santé, et sous l’œil vigilant de l’Agence Nationale de Biosécurité (ANB). « Personne ne va travailler contre sa propre population », ajoute Dr. Maïga. « Tout ce qui est fait, c’est avec toutes les précautions possibles », conclura Dr. Frédéric Yannick Da, chercheur à l’IRSS et responsable de l’Unité paludisme et maladies tropicales négligées, qui représentait le Directeur Régional de l’Ouest de l’IRSS à cet atelier.
Au cours de cette rencontre, le doctorant Inousssa Toé, a donné une communication sur la réglementation nationale et internationale en matière de biotechnologie. Dr. Mahamadi Kientega, attaché de recherche en Entomologie au CNRST/IRSS et travaillant sur les vecteurs de paludisme, a également donné une communication au cours de cette rencontre, plus précisément sur la génomique dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Toutes ces communications ont fait l’objet d’une attention particulière par les participants à cet atelier qui ont salué l’initiative d’organiser cette rencontre.
Par Relwendé Bamogo